Le pédophile aussi croit en Dieu !
Deuxième d'une série de trois articles sur la Pédophilie en Haïti ; le premier (Pédophilie, en Haïti, faisons parler le silence) REGARDS
La pédophilie est une perversion; en être victime, une calamité. Et, lorsque c'est un enfant des rues qui la subit, c'est une double peine. Pauvre et abusé! L'absence d'un État fort et d'un État de droit combinée à la culture de l’impunité : la combinaison parfaite qui laisse nos enfants en pâture aux pédophiles.
La précarité économique résultant de l’instabilité politique maintient Haïti au rang des pays faillis. Missionnaires, religieux, travailleurs communautaires, des aidants de toutes sortes viennent au chevet de notre société malade... Parmi eux, des prédateurs sexuels.
Pourquoi est-ce si facile en Haïti ?
La pauvreté des familles (78% vivant avec moins de 2$us/jour) pousse à l'abandon des enfants. Certains se sont dirigés vers des "orphelinats". En 2014, on en comptait 725. Moins d'une centaine fonctionnaient selon la loi haïtienne. L'Institut du bien-être social et de recherches, supporté financièrement par l'Unicef, est une instance trop faible pour accomplir cette lourde tâche, avec seulement 200 employés pour couvrir les 27 000 km2.
Déjà ces "orphelinats" comptent 80% d'enfants dont au moins un parent est vivant. Plusieurs ont été fermés suite à des révélations d'abus sexuels. Des cas de traite ont été signalés. Traverser la frontière, ou embarquer dans des bateaux attendant la cargaison de chair pure et impubère est courant. La corruption et les faiblesses institutionnelles et le peu de considération pour ces enfants étiquetés comme la lie de la société rendent pire une situation déjà intenable.
Les abusés du Cap-Haïtien...
La présence des enfants dans la rue est un symptôme d'une société peu soucieuse de son devenir, de sa jeunesse. Nous sommes au Cap-Haïtien, 1997-2007. Douglas Perlitz règne en maître; tout lui est permis. BLANC, RICHE, PUISSANT. Pourtant, ils sont nombreux dans la cité christophienne connaissant ses actes de pédophilie sur les mineurs recueillis dans l'orphelinat Pierre Toussaint. Certains jeunes se faisaient appeler "Madan Douglas" en public. Son stratagème est simple et utilisé par de nombreux pédophiles, en Haïti et à travers le monde. Il profite d'une situation de faiblesse de l’État et propose de secourir les jeunes. Ils profitent de la blancophilie de nos élites pour se positionner et avoir accès aux gens d'influence qu'il corrompt. Il attire les jeunes, avec des promesses d'une vie meilleure. Or tout est meilleur que la rue, pensent-ils naïvement. Ce scénario se déroule régulièrement à Port-au-Prince et dans certaines villes de province, notamment les villes côtières et frontalières.
Heureusement, il y eut un héros. Cyrus Sibert, journaliste de Réseau Citadelle qui alerta les autorités, à la suite d'une enquête approfondie. Évidemment, la résistance d'une frange de la société capoise, bénéficiant des largesses de Douglas, fut rude. Un héros blanc, fit son apparition, comme dans les films hollywoodiens, Paul Kendrick. Cet activiste américain antipédophile, protecteur des enfants, aidera pour que la justice américaine condamne Perlitz à 20 ans de prison. De plus, il fit intervenir d'influents avocats américains sur l'affaire pour permettre que quatorze enfants obtiennent gain de cause, lors d'un procès civil. 14 millions de dollars, en dommage-intérêts, chaque enfant obtiendra 300 000, le reste ira aux avocats, pour frais et honoraires. Mais aucun support thérapeutique pour ces jeunes. Or, généralement, la prise en charge des victimes est une prescription automatique de la cour. Ces enfants sont rejetés par leur propre communauté: les affairistes capois de la bourgeoisie et de la classe moyenne avaient automatiquement pris position pour Perlitz. Rien étonnant de l'attitude expéditive d'un tribunal américain. Mais, au moins, il y eut jugement, ce qui est rare dans notre pays dans ces cas, où notre regard sur eux ne dépasse pas la hauteur du "ti vakabon". Abusés aujourd'hui, abuseurs demain...
Ces "vakabon", ces ombres sociaux sont de véritables bombes à retardement, explique M. Georges Bossous, Jr, psychothérapeute qui intervient auprès des victimes pour leur réhabilitation sociale. L'enfant abusé portera les stigmates dans sa chair et dans son âme toute sa vie. Les blessures physiques guérissent et ne laissent, souvent, aucune trace. Les meurtrissures émotionnelles non suivies peuvent créer des fissures irréversibles. Ces enfants s’estiment trahis par la société. Leur vengeance s'exprimera, au tournant d'une ruelle mal éclairée, lors de la prochaine manifestation violente orchestrée par un puissant de la classe économique ou de l’élite politique. Gare à vous s'il devient votre geôlier, lors d'un sordide cas de kidnapping. Ce jour-là, il fera un amalgame entre vous et ces bourreaux : soldats de la Minustah, "missionnaires" déguisés, ou tous autres pédophiles et abuseurs haïtiens ou étrangers. Peu importe la nationalité, lui, qui n'est qu'un jouet sexuel, pour le plaisir d'adultes bloqués dans leur enfance. L'abusé risque de perpétuer le cycle infernal de victimisation, en profitant à son tour d'autres victimes innocentes.
Impacts économiques sur la société...
Notre indifférence ou pour certains l’insouciance et la négligence, face aux jeunes abusés de milieu défavorisé, nous coûtent cher. Les agresseurs n'utilisant pas de préservatifs provoquent des grossesses non désirées, des ISS qui maintiendront les victimes dans la spirale de la pauvreté. La vie hypothéquée de la jeune fille ou du jeune homme n'est pas sans conséquence sur la société, explique M. Bossous. Les coûts en soins médicaux et le poids de l’élargissement de la misère représente autant de factures que nous aurons à payer collectivement. Une prise en charge d'une victime peut durer un an. L'abus sexuel n'accepte pas l’épithète "petit". L' l'Organisation mondiale de la santé, définit, depuis 2002, l'abus sexuel dans son sens large et complet : "Exploitation sexuelle d'un enfant implique que celui-ci est victime d'un adulte ou d'une personne, sensiblement, plus âgée que lui, aux fins de la satisfaction sexuelle de celle-ci". Ainsi, une fellation, un coït, une sodomie, une masturbation subite ou assistée par la victime peuvent provoquer, également des ravages... Qu'on se le dise : "PA GEN TI BAGAY " entre un adulte et un enfant!
Ces 24 jeunes ont obtenu réparation, symboliquement. Sauf que 300 000 $ ne peuvent réparer dix années de tortures sexuelles... Malheureusement, ils n'ont pas obtenu le soutien psychothérapeutique indispensable à une réinsertion plus douce, à une vie saine. Grâce à la ténacité et au dévouement du tandem Paul Kendrik - Georges Bossous jr, ces jeunes, devenus adultes, ont eu ce suivi... D'ailleurs M. Bossous reviendra, en Haïti, rencontrer d'autres victimes de la longue liste des abusés sur cette terre.
Source : http://lenouvelliste.com/article/169635/le-pedophile-aussi-croit-en-dieu